| Dernier concert de l’orchestre du Tatarstan à la Roque - Zibeline |
Décidément, avec l’Orchestre National Symphonique du Tatarstan, et son effectif impressionnant, rien n’est jamais dans la tiédeur!
Pour son dernier concert de l’année dans l’orbe de la conque du parc de Florans, cette formation dirigée avec un dynamisme sans faille par Alexander Sladkovsky, interprétait aux côtés de Vadym Kholodenko le Concerto pour piano et orchestre n°1 en fa dièse mineur opus 1 de Rachmaninov, dont le thème fut emprunté par le générique d’Apostrophes, lui accordant une nouvelle strate nostalgique et littéraire… Le jeu aérien et brillant du pianiste répondait aux accents emportés de l’orchestre, traits d’une folle virtuosité technique nourris d’une palette aux riches couleurs. Les trois mouvements du concerto portés par un rythme inspiré sont ici pétris dans la même coulée ample. La finesse du pianiste se développait encore lors de deux rappels échevelés. La Polka de W.R de Rachmaninov (discret hommage au père du compositeur, par le biais de ses initiales dans la transcription germanique de son nom, Wassily Rachmaninoff) livrait ses harmonies, arpèges aux deux mains, courses effrénées, variations de tempo, cocktail de haute volée auquel succédait la célébrissime Étude S. 161 n° 3, « La Campanella » (Liszt/ Busoni). L’abord de cette pièce était étonnant, avec des notes fluides et éthérées. Le tableautin champêtre se dessine comme une réminiscence lointaine, poudroiement impressionniste dont la mélodie ne s’affirme qu’à la toute fin, en une lumière retrouvée.
Ivresses
La Symphonie n°4 en mi mineur opus 98, la dernière de Brahms, oubliait toute retenue dans la forme somptueuse optée par l’Orchestre du Tatarstan, foin des nuances, de la souplesse mélodique, des respirations qui hésitent entre romantisme et classicisme, la vertu de l’enthousiasme balaie tout et insiste sur les capacités descriptives de l’œuvre, et nous voilà au cœur de Star Wars ! Le cinéma entre de plein pied à La Roque avec puissance et espièglerie. Les bis rituels et attendus avec une jubilation enfantine par tous, embrasent le public, les Danses Hongroises n° 1 et 5 de Brahms, donnent des fourmillements dans les pieds ; la Bacchanale de Samson et Dalila de Saint-Saëns s’étoile d’un Orient fantasmé, que le chef, Alexander Sladkovsky, mime tout avec espièglerie, depuis la course à cheval à la danse sensuelle de la jeune femme ; enfin, gronde le final bissé de Stan Tamerlana d’A. Tchaïkovsky (pas Piotr Ilitch), tellurique et vivifiant, joué par un orchestre « abandonné » par son chef, qui revient sur scène pour diriger les palmas percussives du public ! Et peu importe si les puristes y trouvent à redire, le sourire contagieux qui a gagné chaque spectateur justifie pleinement la vision gargantuesque de cet orchestre atypique et généreux.
MARYVONNE COLOMBANI
Août 2019
Concert donné sous la conque du parc du Château de Florans, dans le cadre du Festival de la Roque d’Anthéron, le 11 août.
Photographie © Christophe GREMIOT
Source: https://www.journalzibeline.fr/critique/demesure-tatare/
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